Lorsqu’un fonctionnaire est victime d’un accident de service ou d’une maladie professionnelle, il bénéficie d’une protection sociale spécifique qui se distingue du régime général de la sécurité sociale. Au cœur de cette protection se trouve le droit au remboursement des frais médicaux engagés pour soigner les conséquences de l’accident ou de la maladie. Pourtant, la mise en œuvre concrète de ce droit soulève de nombreuses interrogations et donne parfois lieu à des refus de l’administration. Cet article fait le point sur les obligations réelles de votre employeur public et les moyens de faire valoir vos droits.

Le principe du remboursement intégral des frais médicaux

Le Code général de la fonction publique pose un principe clair : le fonctionnaire qui bénéficie d’une reconnaissance d’imputabilité au service d’un accident ou d’une maladie a droit au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par sa maladie ou son accident. Ce principe s’applique aux trois versants de la fonction publique : d’État, territoriale et hospitalière.

Ce droit au remboursement intervient dès lors que l’agent est placé en congé pour invalidité temporaire imputable au service (CITIS). Il s’accompagne également du maintien intégral de la rémunération, créant ainsi un régime protecteur complet pour le fonctionnaire victime d’un accident dans l’exercice de ses fonctions.

Quels frais sont effectivement pris en charge ?

Le spectre des frais remboursables est large et couvre l’ensemble des dépenses directement liées à l’accident de service ou à la maladie professionnelle. Deux conditions cumulatives doivent être remplies pour qu’un frais soit pris en charge :

  • Un lien direct avec l’accident ou la maladie reconnue : les frais doivent être exposés pour traiter les conséquences sur l’état de santé de l’agent de l’accident ou de la maladie dont il est atteint
  • Une utilité médicale avérée : les soins doivent être effectivement nécessaires au traitement ou à la guérison de l’agent
Catégorie de frais Exemples Prise en charge
Honoraires médicaux Consultations, actes médicaux, chirurgie ✓ Intégrale
Médicaments Prescriptions liées à l’accident ✓ Intégrale
Soins paramédicaux Kinésithérapie, orthophonie, soins infirmiers ✓ Intégrale
Hospitalisations Frais de séjour, interventions ✓ Intégrale
Examens et analyses Radiographies, IRM, bilans sanguins ✓ Intégrale
Appareillages Prothèses, orthèses, fauteuils roulants ✓ Intégrale
Transports sanitaires Ambulance, VSL, taxi conventionné ✓ Intégrale
Frais de confort Chambre particulière sans prescription ✗ Non pris en charge

Il est important de noter que la prise en charge débute dès la décision de placement en CITIS, même si celle-ci intervient avec un effet rétroactif. Les frais engagés avant cette décision peuvent donc être remboursés si la reconnaissance d’imputabilité est accordée avec effet rétroactif.

La question épineuse des dépassements d’honoraires

La question des dépassements d’honoraires constitue l’un des principaux points de friction entre les agents et leur administration. Traditionnellement, de nombreuses administrations refusaient de rembourser les dépassements d’honoraires pratiqués par les médecins du secteur 2 ou hors convention, en se fondant sur une interprétation restrictive des textes.

Le Défenseur des droits a apporté une clarification dans sa décision du 7 janvier 2021. Il a affirmé qu’un éventuel dépassement par rapport aux tarifs de la sécurité sociale ne peut faire obstacle au remboursement intégral des frais médicaux directement liés à l’accident de service ou à la maladie professionnelle. Cette position s’appuie sur une lecture littérale des textes qui ne prévoient aucune limitation au tarif conventionnel.

Néanmoins, cette obligation de remboursement intégral n’est pas sans limite. La jurisprudence admet que l’administration puisse refuser la prise en charge de dépassements d’honoraires manifestement excessifs ou injustifiés au regard des soins dispensés. L’appréciation se fait au cas par cas, en tenant compte de la nature des soins, du contexte médical et de la nécessité du recours à un praticien pratiquant des dépassements.

Les procédures pour obtenir le remboursement

Pour obtenir le remboursement de vos frais médicaux suite à un accident de service, vous devez suivre une procédure précise et constituer un dossier complet. Voici les étapes essentielles :

  • Déclaration immédiate de l’accident : informez votre hiérarchie dans les plus brefs délais et formalisez votre déclaration par écrit dans les 48 heures suivant l’accident
  • Constitution du certificat médical initial : consultez un médecin qui établira un certificat médical descriptif des lésions et de leurs conséquences prévisibles
  • Demande de reconnaissance d’imputabilité au service : votre administration doit statuer sur le caractère imputable au service de l’accident. Cette reconnaissance est indispensable pour bénéficier du remboursement des frais
  • Placement en CITIS : si l’accident entraîne une incapacité temporaire de travail, vous serez placé en congé pour invalidité temporaire imputable au service
  • Conservation de tous les justificatifs : conservez précieusement toutes les factures, ordonnances, feuilles de soins et justificatifs de paiement
  • Transmission des demandes de remboursement : adressez vos demandes de remboursement accompagnées des pièces justificatives à votre service de gestion des ressources humaines ou au service compétent de votre administration

Les professionnels de santé doivent renseigner sur leurs certificats les actes médicaux dispensés et fournir les justificatifs nécessaires. Le droit à remboursement est strictement conditionné à la production de ces pièces justificatives. En l’absence de justificatifs, l’administration est fondée à refuser le remboursement.

Le délai de traitement de votre demande varie selon les administrations, mais un délai de deux mois de silence vaut généralement décision implicite de rejet, vous permettant alors de saisir le juge administratif.

Litiges et recours : que faire en cas de refus ?

Malgré les textes et la jurisprudence favorables aux agents, certaines administrations persistent à refuser le remboursement de certains frais, notamment les dépassements d’honoraires. Face à un refus, vous disposez de plusieurs moyens d’action :

Le recours administratif préalable obligatoire (RAPO) : avant toute action contentieuse, vous devez contester la décision de refus auprès de votre administration par un recours gracieux ou hiérarchique. Ce recours doit être motivé et accompagné des pièces justificatives. Vous disposez d’un délai de deux mois à compter de la notification du refus pour exercer ce recours.

En l’absence de réponse dans un délai de deux mois, ou en cas de rejet de votre recours, vous pouvez engager un recours contentieux devant le tribunal administratif compétent. L’assistance d’un avocat expert en fonction publique est vivement recommandée pour maximiser vos chances de succès.

Se faire accompagner par un avocat

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Questions fréquentes

 

Mon accident de service a été reconnu. Dois-je avancer les frais médicaux ?

Oui, dans la plupart des cas, vous devez avancer les frais médicaux puis demander leur remboursement à votre administration. Contrairement au régime de la sécurité sociale où le tiers payant est souvent applicable, il n’existe pas de système de tiers payant généralisé pour les accidents de service dans la fonction publique. Conservez tous vos justificatifs de paiement.

Quel est le délai pour demander le remboursement de mes frais médicaux ?

Il n’existe pas de délai de prescription spécifique fixé par les textes pour demander le remboursement des frais médicaux liés à un accident de service. Toutefois, par prudence, il est recommandé d’effectuer vos demandes dans un délai raisonnable suivant les soins.

Les frais de transport pour me rendre à mes consultations sont-ils remboursés ?

Oui, les frais de transport sanitaire prescrits par un médecin dans le cadre du traitement de votre accident de service sont remboursables. Il peut s’agir de transports en ambulance, VSL (véhicule sanitaire léger) ou taxi conventionné. La prescription médicale doit mentionner le mode de transport nécessaire et justifier son utilisation au regard de votre état de santé.

Puis-je consulter n’importe quel médecin ou dois-je respecter le parcours de soins ?

Contrairement au régime général de l’assurance maladie, le remboursement des frais médicaux liés à un accident de service n’est pas soumis au respect du parcours de soins coordonnés. Vous êtes libre de choisir votre médecin, qu’il soit médecin traitant ou non, en secteur 1 ou en secteur 2. Cette liberté de choix est totale, sous réserve que les soins soient médicalement justifiés et directement liés à votre accident.

Mon administration refuse de rembourser les dépassements d’honoraires. Que faire ?

Il est possible d’adresser un recours gracieux ou hiérarchique à votre administration, en y joignant tous vos justificatifs. Si le refus persiste, vous pouvez saisir le tribunal administratif. L’assistance d’un avocat est recommandée pour faire valoir vos droits.

Les séances de kinésithérapie prescrites après mon accident sont-elles prises en charge ?

Oui, tous les soins paramédicaux prescrits par un médecin dans le cadre du traitement de votre accident de service sont intégralement remboursables, y compris les séances de kinésithérapie, d’ergothérapie, d’orthophonie ou de soins infirmiers. La prescription médicale doit établir le lien entre ces soins et les conséquences de l’accident reconnu imputable au service.

Que se passe-t-il si mon accident de service entraîne des séquelles permanentes ?

Si votre accident de service entraîne des séquelles permanentes, vous pouvez bénéficier d’une allocation temporaire d’invalidité (ATI) ou, dans la fonction publique d’État, d’une rente viagère d’invalidité. Les frais médicaux liés au suivi et au traitement de ces séquelles restent remboursables par votre administration tant qu’ils sont directement liés à l’accident initial reconnu imputable au service.

Mon administration me demande de passer par la sécurité sociale d’abord. Est-ce normal ?

Non, cette demande n’est pas conforme aux textes. Dans le cadre d’un accident de service reconnu, c’est votre administration employeur qui doit directement prendre en charge l’intégralité de vos frais médicaux, sans qu’il soit nécessaire de solliciter préalablement la sécurité sociale. Votre administration ne peut pas se substituer à cette obligation en vous renvoyant vers le régime général.