Fonction publique : les différents postes de préjudice indemnisables
Le préjudice d’un agent victime se décompose en plusieurs postes distincts, inspirés de la nomenclature Dintilhac utilisée en droit commun. Cette classification permet une évaluation exhaustive et personnalisée.
Les préjudices patrimoniaux
Les préjudices patrimoniaux correspondent aux pertes économiques quantifiables subies par l’agent. Ils doivent être établis avec précision et justifiés par des pièces probantes.
- Dépenses de santé actuelles et futures : tous les frais médicaux, pharmaceutiques, d’hospitalisation, de rééducation, de kinésithérapie ou de psychothérapie non pris en charge par l’administration ou la sécurité sociale. Cela inclut également les frais de prothèses, d’appareillages et les dépenses de santé futures prévisibles liées aux séquelles.
- Frais d’adaptation et d’aménagement : coûts d’aménagement du logement (installation de rampes, adaptation de la salle de bain, élargissement des portes), du véhicule, ou d’acquisition d’équipements spécialisés rendus nécessaires par le handicap.
- Assistance par tierce personne : rémunération d’une aide à domicile, d’un auxiliaire de vie ou intervention de proches pour les actes essentiels de la vie quotidienne, tant pendant la phase de consolidation qu’après si les séquelles le nécessitent.
- Pertes de revenus et manque à gagner : diminution de rémunération en cas de temps partiel thérapeutique, privation de primes ou d’indemnités, impossibilité de percevoir des heures supplémentaires, perte d’opportunités d’avancement de grade ou d’échelon.
- Incidence professionnelle : préjudice spécifique lié à l’impossibilité définitive d’exercer certaines fonctions, de passer des concours internes, de postuler à des emplois plus valorisants, ou à une obligation de reclassement sur un poste moins rémunérateur.
- Frais de transport : déplacements pour consultations médicales, séances de rééducation, expertises, qu’il s’agisse de frais kilométriques, de transports en commun ou de taxis médicalisés.
Les préjudices extrapatrimoniaux
Ces préjudices concernent l’atteinte à l’intégrité physique, psychologique et à la qualité de vie de l’agent. Bien que non économiques par nature, ils font l’objet d’une évaluation monétaire.
- Déficit fonctionnel temporaire (DFT) : correspond à la période d’incapacité totale ou partielle subie par l’agent pendant la phase de traitement et jusqu’à la consolidation de son état de santé. Il indemnise la perte de qualité de vie et des joies usuelles de l’existence durant cette période, indépendamment de toute perte de revenus.
- Souffrances endurées : douleurs physiques ressenties lors de l’accident, pendant les soins, les interventions chirurgicales, la rééducation, ainsi que les souffrances psychologiques (angoisse, dépression, syndrome post-traumatique). Elles sont évaluées sur une échelle de 1 (très léger) à 7 (très important).
- Préjudice esthétique temporaire et permanent : atteinte à l’apparence physique causée par des cicatrices, brûlures, amputations, déformations visibles ou disgracieuses. Ce préjudice est également évalué sur une échelle de 1 à 7 selon la localisation, l’étendue et le caractère visible des lésions.
- Préjudice d’agrément : impossibilité définitive de pratiquer une activité sportive, artistique ou de loisir spécifique que l’agent pratiquait régulièrement avant l’accident. Il doit s’agir d’une activité précise et identifiée, et non d’une simple gêne dans les activités courantes.
- Préjudice sexuel : troubles affectant la sexualité de l’agent (impuissance, perte de libido, difficultés relationnelles), ainsi que l’atteinte à la fonction de reproduction (stérilité, impossibilité de mener une grossesse).
- Déficit fonctionnel permanent (DFP) : séquelles définitives subsistant après consolidation, évaluées par un taux d’incapacité permanente partielle exprimé en pourcentage. Il reflète la réduction du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel dont l’agent reste atteint à titre définitif.
- Préjudice d’établissement : préjudice exceptionnel reconnu lorsque l’accident compromet gravement les projets personnels, familiaux ou professionnels de l’agent (impossibilité de se marier, de fonder une famille, de maintenir sa vie de couple).
L’évaluation du préjudice : méthodologie et barèmes
Le rôle central de l’expertise médicale
L’évaluation précise du préjudice corporel nécessite impérativement l’intervention d’un médecin expert. Cette expertise médicale constitue la pierre angulaire du chiffrage, car elle détermine objectivement les paramètres médicaux sur lesquels reposera l’indemnisation.
L’expert médical a pour mission de fixer plusieurs éléments déterminants : le taux d’incapacité permanente partielle (IPP) exprimé en pourcentage, la durée du déficit fonctionnel temporaire, l’échelle des souffrances endurées (de 1 à 7), le préjudice esthétique (également de 1 à 7), et la description précise des séquelles fonctionnelles.
L’agent victime dispose du droit de se faire assister par un médecin conseil de son choix lors de l’expertise. Cette assistance est vivement recommandée pour garantir que l’ensemble des préjudices soit correctement évalué et pour contester, le cas échéant, les conclusions de l’expert désigné par l’administration.
Les barèmes d’indemnisation applicables
Contrairement au droit privé qui utilise des référentiels plus uniformisés, le droit administratif ne dispose pas d’un barème unique et obligatoire. Chaque juridiction administrative développe sa propre pratique, inspirée néanmoins de la nomenclature Dintilhac et des barèmes indicatifs publiés par certaines cours administratives d’appel.
| Poste de préjudice | Mode d’évaluation | Ordre de grandeur |
|---|---|---|
| Déficit fonctionnel temporaire | Durée × valeur journalière | 25 à 35 € par jour |
| Souffrances endurées | Échelle de 1 à 7 | 2 000 € à 80 000 € |
| Déficit fonctionnel permanent | Taux IPP × valeur du point | 1 500 à 2 500 € par point selon l’âge |
| Préjudice esthétique | Échelle de 1 à 7 | 2 000 € à 40 000 € |
La valeur du point d’incapacité pour le déficit fonctionnel permanent varie significativement en fonction de l’âge de la victime au moment de la consolidation : plus l’agent est jeune, plus la valeur du point est élevée, car il devra vivre plus longtemps avec ses séquelles. Un agent de 30 ans pourra prétendre à une valeur de point supérieure à celle d’un agent de 55 ans pour un même taux d’IPP.
La valorisation concrète des préjudices
Pour chiffrer correctement une demande d’indemnisation, il convient d’appliquer méthodiquement ces barèmes à la situation personnelle de l’agent.
Il est essentiel de se référer à la jurisprudence récente du tribunal administratif territorialement compétent pour actualiser ces montants. Les barèmes évoluent régulièrement, et certaines juridictions se montrent plus généreuses que d’autres dans l’appréciation des préjudices.
L’accompagnement par un avocat expert en indemnisation comme Charles Carluis (Prenre RDV en ligne) permet d’optimiser le chiffrage en s’appuyant sur les décisions les plus favorables et en évitant toute sous-évaluation préjudiciable à l’agent victime.
Agents publics et fonctionnaires
Intervenant dans la France entière, Charles Carluis, avocat de référence en matière de reconnaissance et d’indemnisation des accidents de service et des maladies professionnelles, est résolu à défendre vos droits.
Vos questions fréquentes
Quel est le délai pour demander l’indemnisation d’un accident de service ?
Il n’existe pas de délai légal spécifique pour formuler une demande d’indemnisation amiable. Toutefois, il est préférable d’agir rapidement après la consolidation de l’état de santé. En cas de recours contentieux, le délai de prescription est de quatre ans à compter de la consolidation ou de la décision administrative de rejet.
L’administration peut-elle refuser d’indemniser certains préjudices ?
L’administration doit réparer l’ensemble des préjudices directement imputables à l’accident de service. Elle ne peut refuser d’indemniser un poste de préjudice dûment justifié. En cas de désaccord, le juge administratif vérifiera le lien de causalité entre l’accident et chaque préjudice invoqué, et imposera une indemnisation si ce lien est établi.
Faut-il attendre la consolidation pour chiffrer son préjudice ?
Certains préjudices temporaires peuvent être chiffrés avant la consolidation (frais médicaux, déficit fonctionnel temporaire). Cependant, l’évaluation définitive du préjudice permanent nécessite obligatoirement d’attendre la consolidation, c’est-à-dire le moment où l’état de santé devient stable et où les séquelles définitives peuvent être déterminées par expertise médicale.









