Le retard pris par l’employeur dans l’instruction d’une demande de reconnaissance d’un accident de service ou d’une maladie professionnelle peut constituer une faute de nature à engager sa responsabilité.
Jurisprudence relative au retard fautif pris dans l’instruction d’une demande de reconaissance d’un accident de service ou d’une maladie professionnelle
Un récent jugement du tribunal administratif de versailles (ta versailles, 20/07/2023, n°2000463-2104766) est venu rappeler que le retard pris par l’administration dans l’instruction de la demande d’un agent tendant à la reconnaissance de l’imputabilité au service d’un accident ou d’une maladie peut être constitutif d’une faute de nature à engager sa responsabilité et à ouvrir droit à réparation.
Dans cette affaire, à la suite d’une altercation du 31 juillet 2015, Mme B, éducatrice de jeunes enfants titulaire employée par un centre hospitalier, a été placée en arrêt de travail pour syndrome anxio dépressif réactionnel et a demandé que cet incident soit reconnu comme accident de service.
Par des décisions des 17 juillet 2017, 28 mai 2018, 21 novembre 2018, et 4 juillet 2019, l’imputabilité au service de cet accident et des arrêts de travail de Mme B a été reconnue, pour une période courant jusqu’au 17 septembre 2019.
Mme B a demandé à son employeur, par un courrier avisé le 19 septembre 2019, l’indemnisation des préjudices qu’elle estimait avoir subis résultant notamment du retard fautif dans la gestion de son dossier.
Dans les circonstances de l’espèce, le délai de traitement de la demande de l’agent présentait un caractère excessif.
Quels sont les délais d’instruction applicables à une demande de reconnaissance d’imputabilité au service d’un accident ou d’une maladie ?
Il ressort des dispositions réglementaires propres à chaque fonction publique relatives au congé d’invalidité temporaire imputable au service (citis), qui n’étaient pas applicables à l’affaire commentée, que pour se prononcer sur l’imputabilité au service de l’accident ou de la maladie, l’administration dispose d’un délai :
- en cas d’accident, d’un mois à compter de la date à laquelle elle reçoit la déclaration d’accident et le certificat médical ;
- en cas de maladie, de deux mois à compter de la date à laquelle elle reçoit le dossier complet comprenant la déclaration de la maladie professionnelle intégrant le certificat médical et le résultat des examens médicaux complémentaires le cas échéant prescrits par les tableaux de maladies professionnelles.
Un délai supplémentaire de trois mois s’ajoute à ces délais en cas d’enquête administrative diligentée à la suite d’une déclaration d’accident de trajet ou de la déclaration d’une maladie hors tableau, d’examen par le médecin agréé ou de saisine du conseil médical.
Délai d’insctruction excessif : droit à indemnisation ?
En l’espèce, le délai d’instruction de la demande était excessif et révélait un retard fautif de nature à ouvrir droit à indemnisation.
Dans l’affaire commentée, Mme B a sollicité la reconnaissance de l’imputabilité au service de l’accident du 31 juillet 2015 et a adressé un dossier complet de demande le 15 octobre 2015.
Son employeur a saisi la commission de réforme afin qu’elle se prononce sur l’imputabilité au service de l’accident par un courrier du 10 février 2016, soit quatre mois plus tard.
Le 26 mai 2016, la commission de réforme a sursis à statuer, celle-ci ne disposant pas d’éléments suffisants pour se prononcer, notamment une enquête administrative ou un rapport du médecin de prévention.
Alors que la commission de réforme, après deux nouveaux renvois, a émis le 28 mars 2017 un avis favorable à la reconnaissance de l’imputabilité au service de l’arrêt de travail jusqu’au 28 juin 2016, le centre hospitalier n’a reconnu cette imputabilité que le 17 juillet 2017 et n’a mandaté le psychiatre agréé afin de réaliser l’expertise demandée par la commission que le 18 octobre 2017, soit sept mois plus tard.
Par ailleurs, l’établissement n’ayant pas communiqué en temps utile l’expertise réalisée le 21 décembre 2017, la commission a dû renvoyer sa séance au 27 mars 2018.
Ensuite, l’établissement n’a pris une décision d’imputabilité au service des arrêts de travail du 26 juin 2016 au 30 mai 2017 que le 28 mai 2018, et une décision d’imputabilité pour la période du 31 mai 2017 au 31 décembre 2018 que le 21 novembre 2018.
Ainsi, à plusieurs reprises, le traitement du dossier de la requérante a connu des retards injustifiés.
Pour tenter de les justifier, le centre hospitalier se bornait à faire valoir que ces retards étaient dus au manque de diligences de la commission de réforme et de Mme B elle-même sans l’établir.
Dès lors, l’agent était fondé à soutenir que le délai dans lequel son dossier a été instruit par son employeur présentait, apprécié globalement, un caractère excessif et révélait, dans les circonstances de l’espèce, un retard fautif dans son traitement de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier et à ouvrir droit à réparation des préjudices en résultant.
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