Décision obtenue par le cabinet – discipline, suspension de fonctions : abrogation d’une décision portant prolongation de suspension de fonctions.

Par une décision du 31 août 2023, consultable ici, le cabinet a obtenu de l’administration l’abrogation d’une décision prolongeant la suspension de fonctions d’un agent.

Cet agent, professeur titulaire de lycée professionnel, a fait l’objet, le 22 février 2022, d’une mesure de suspension de ses fonctions.

Par arrêté du 16 juin 2022, sa suspension a été prolongée à compter du 22 juin 2022, sans limitation de durée.

Pour les faits ayant fondé cette suspension, l’agent a été convoqué en vue d’une composition pénale.

 

Les dispositions du code général de la fonction publique relatives à la suspension des fonctionnaires

Aux termes de l’article l. 531-1 du code général de la fonction publique : « le fonctionnaire, auteur d’une faute grave, qu’il s’agisse d’un manquement à ses obligations professionnelles ou d’une infraction de droit commun, peut être suspendu par l’autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai, le conseil de discipline () ».

L’article l. 531-2 du même code dispose que : « si, à l’expiration du délai mentionné à l’article l. 531-1, aucune décision n’a été prise par l’autorité ayant le pouvoir disciplinaire, le fonctionnaire qui ne fait pas l’objet de poursuites pénales est rétabli dans ses fonctions. / le fonctionnaire qui fait l’objet de poursuites pénales est également rétabli dans ses fonctions à l’expiration du même délai sauf si les mesures décidées par l’autorité judiciaire ou l’intérêt du service y font obstacle ».

L’article l. 531-3 du même code dispose que : « lorsque, sur décision motivée, le fonctionnaire n’est pas rétabli dans ses fonctions, il peut être affecté provisoirement par l’autorité investie du pouvoir de nomination, sous réserve de l’intérêt du service, dans un emploi compatible avec les obligations du contrôle judiciaire auquel il est, le cas échéant, soumis. / a défaut, il peut être détaché d’office, à titre provisoire, dans un autre corps ou cadre d’emplois pour occuper un emploi compatible avec de telles obligations. / l’affectation provisoire ou le détachement provisoire prend fin lorsque la situation du fonctionnaire est définitivement réglée par l’administration ou lorsque l’évolution des poursuites pénales rend impossible sa prolongation. / le magistrat ayant ordonné le contrôle judiciaire et le procureur de la république sont informés des mesures prises à l’égard du fonctionnaire ».

 

La jurisprudence administrative afférente

La mesure de suspension prévue par ces dispositions ne présente pas, par elle-même, un caractère disciplinaire mais est uniquement destinée à écarter temporairement un agent du service, en attendant qu’il soit statué disciplinairement ou pénalement sur sa situation.

Elle peut être légalement prise dès lors que l’administration est en mesure d’articuler à l’encontre de l’intéressé des griefs qui ont un caractère de vraisemblance suffisant et qui permettent de présumer que celui-ci a commis une faute grave.

Une mesure de suspension de fonctions ne peut être prononcée à l’encontre d’un fonctionnaire que lorsque les faits imputables à l’intéressé présentent un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité et que l’éloignement de l’intéressé se justifie au regard de l’intérêt du service. Eu égard à la nature conservatoire d’une mesure de suspension et à la nécessité d’apprécier, à la date à laquelle cet acte a été pris, la condition tenant au caractère vraisemblable des faits, il appartient au juge de l’excès de pouvoir de statuer au vu des informations dont disposait effectivement l’autorité administrative au jour de sa décision (par ex. Ta toulouse, 07/03/2023, n°2100490).

La seule insuffisance professionnelle de l’agent, n’est pas au nombre des motifs de nature à justifier légalement une mesure de suspension, laquelle doit être motivée par des manquements aux obligations professionnelles revêtant le caractère d’une faute disciplinaire qui par sa nature, sa gravité et son incidence sur le fonctionnement du service impose que l’agent concerné en soit écarté d’urgence (caa lyon, 13/07/2021, n°19ly02559 ; voir réc. Ta toulouse, 06/10.2023, n°2106497).

 

Le fonctionnaire suspendu doit être rétabli dans ses fonctions à l’expiration d’un délai de quatre mois, sauf s’il fait l’objet de poursuites pénales

En vertu des dispositions précitées du code général de la fonction publique, si, à l’expiration d’un délai de quatre mois, aucune décision n’a été prise par l’autorité ayant le pouvoir disciplinaire à l’encontre d’un fonctionnaire suspendu, celui-ci est rétabli dans ses fonctions, sauf s’il fait l’objet de poursuites pénales (par ex. Ta lille, 21/09/2023, n°2105952).

 

La notion de poursuites pénales correspond à la mise en œuvre de l’action publique

Un fonctionnaire doit pour l’application de ces dispositions être regardé comme faisant l’objet de poursuites pénales lorsque l’action publique a été mise en mouvement à son encontre et ne s’est pas éteinte.

Lorsque c’est le cas, l’autorité administrative peut, au vu de la situation en cause et des conditions prévues par ces dispositions, le rétablir dans ses fonctions, lui attribuer provisoirement une autre affectation, procéder à son détachement ou encore prolonger la mesure de suspension en l’assortissant, le cas échéant, d’une retenue sur traitement.

L’action publique n’est pas mise en mouvement dans l’hypothèse d’une composition pénale, qui présente le caractère d’une mesure alternative aux poursuites pénales (réponse du ministère de la fonction publique publiée le 28/09/2006).

 

La garantie fondamentale pour les fonctionnaires de pouvoir recevoir une affectation conforme à leur grade

Par ailleurs, en vertu d’une jurisprudence constante, sous réserve de dispositions statutaires particulières, tout fonctionnaire en activité tient de son statut le droit de recevoir, dans un délai raisonnable, une affectation correspondant à son grade ; en vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un fonctionnaire qui a été irrégulièrement maintenu sans affectation a droit à la réparation intégrale du préjudice qu’il a effectivement subi du fait de son maintien illégal sans affectation (ce, 06/11/2002, n°227147 ; ce, 06/12/2017, n°405841).

 

En l’espèce, l’agent suspendu ne faisait l’objet d’aucunes poursuites pénales

En l’espèce, il est constant qu’à la date à laquelle est intervenu l’arrêté prolongeant la suspension de l’agent, celui-ci ne faisait pas l’objet de poursuites pénales ; l’administration ne pouvait donc légalement prolonger la mesure de suspension de fonctions de l’intéressé, de surcroît sans limitation de durée.

 

La prolongation de la suspension de ses fonctions était illégale

Dans ces conditions, en l’absence d’engagement de poursuites pénales et alors qu’au demeurant aucun motif tiré de l’intérêt du service ne s’opposait à la réintégration de l’agent, l’autorité administrative, qui n’avait pris aucune mesure pour régler définitivement la situation de l’intéressé à l’expiration du délai imparti de quatre mois, a commis une erreur de droit, en décidant de prolonger la suspension de l’intéressé, et en maintenant la suspension de ses fonctions pendant plus d’un an.

 

Cette illégalité est constitutive d’une faute de nature à engager la responsabilité de l’administration

Cette décision illégale était constitutive d’une faute de nature à engager la responsabilité de l’administration à l’égard de l’agent, dès lors qu’il a été privé des primes et indemnités dont il avait une chance sérieuse de bénéficier.

 

Abrogation de la mesure de suspension de fonctions et réintégration de l’agent

Sur la base de cette argumentation, l’agent a sollicité et obtenu de l’administration, sur le fondement des dispositions de l’article l. 243-1 du code des relations entre le public et l’administration, l’abrogation de la décision prolongeant la suspension de ses fonctions et, en conséquence, sa réintégration juridique et effective dans ses fonctions de professeur.

 

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