L’autorité disciplinaire peut, sous certaines conditions, s’appuyer sur des investigations réalisées à partir de la consultation de la messagerie professionnelle d’un agent.  

 

Jurisprudence relative à la valeur probatoire en matière disciplinaire de courriels issus de la messagerie électronique professionnelle d’un agent

Il ressort d’un arrêt de la cour administrative d’appel de toulouse en date du 20 juin 2023 (caa toulouse, 20/06/2023, n°21tl00953) qu’il est loisible à l’autorité disciplinaire, sans méconnaître son obligation de loyauté, de s’appuyer sur des investigations réalisées à partir de la consultation de la messagerie professionnelle d’un agent pour établir la matérialité des faits qui lui sont reprochés, à la condition toutefois de ne pas se prévaloir de courriels identifiés comme personnels ou de nature syndicale.

Dans cette affaire, Mme B, directrice territoriale, occupait depuis 2008 un poste de cheffe du service au sein des services d’un département.

Elle est par ailleurs secrétaire générale adjointe du syndicat force ouvrière du conseil départemental de l’hérault et membre titulaire représentante du personnel au comité technique.

Par décision du 23 juillet 2019, Mme B a été exclue temporairement de ses fonctions pour une durée de dix jours dont cinq avec sursis à titre de sanction disciplinaire.

Il lui était reproché d’avoir diffusé au syndicat auquel elle appartient, une consigne interne délivrée par courriel du cabinet du président du conseil départemental du 25 mai 2018, dont elle avait été avisée oralement par sa directrice et dont elle a demandé à avoir une confirmation écrite, consigne qui donnait la position institutionnelle à tenir sur une question sensible.

Pour établir la matérialité des faits reprochés à l’agent, l’autorité disciplinaire s’était appuyée sur un rapport établi par la direction des services d’information de la collectivité à partir de la consultation de la messagerie professionnelle de l’intéressée.

Dans les circonstances de l’espèce, la preuve obtenue par la direction des systèmes d’information ne l’a pas été en méconnaissance de l’obligation de loyauté du département vis-à-vis de son agent.

 

Le principe de liberté de la preuve en matière disciplinaire

En l’absence de disposition législative contraire, l’autorité investie du pouvoir disciplinaire, à laquelle il incombe d’établir les faits sur le fondement desquels elle inflige une sanction à un agent public, peut apporter la preuve de ces faits devant le juge administratif par tout moyen.

 

L’obligation de loyauté de la preuve

Toutefois, tout employeur public est tenu, vis-à-vis de ses agents, à une obligation de loyauté. Il ne saurait, par suite, fonder une sanction disciplinaire à l’encontre de l’un de ses agents sur des pièces ou documents qu’il a obtenus en méconnaissance de cette obligation, sauf si un intérêt public majeur le justifie.

 

La conciliation du principe de liberté de la preuve et de l’obligation de loyauté

Il appartient au juge administratif, saisi d’une sanction disciplinaire prononcée à l’encontre d’un agent public, d’en apprécier la légalité au regard des seuls pièces ou documents que l’autorité investie du pouvoir disciplinaire pouvait ainsi retenir (ce, 16/07/2014, n°355201).

 

Consultation de la messagerie professionnelle d’un agent : dans quelle mesure ?

La consultation de la messagerie professionnelle des agents ne peut être admise que dans la mesure où elle est encadrée et limitée à une recherche particulière et à l’examen des seuls courriels professionnels.

Dans l’affaire commentée, la direction des systèmes d’information, après consultation de la messagerie professionnelle de Mme B, a rédigé, le 4 juillet 2018, un rapport technique permettant d’établir la matérialité des faits reprochés.

Il ressort de la charte de bon usage des systèmes d’information applicable aux agents du conseil départemental que les utilisateurs ont été avertis que des moyens de contrôle de leur messagerie professionnelle pouvaient être mis en œuvre et étaient susceptibles d’intervenir afin de vérifier que l’usage de la messagerie professionnelle est conforme aux obligations de discrétion professionnelle et de loyauté.

Cette charte indique par ailleurs qu’il est nécessaire de distinguer les courriels relevant du privé et du professionnel, les courriels portant la mention  » personnel « , ou  » privé  » dans leur objet devant être regardés comme sortant du contexte professionnel et ne pouvant faire l’objet d’un contrôle de contenu.

La recherche effectuée sur la messagerie professionnelle de Mme B, sollicitée par le service en raison de la proximité horaire existant entre d’une part, l’heure à laquelle mme b a reçu le message de sa hiérarchie lui transmettant la consigne émanant du cabinet du président et du faible nombre de personnes en ayant été destinataires et d’autre part, celle de la diffusion par le syndicat auquel appartient mme b de la lettre ouverte, avait pour objet de rechercher si l’intéressée avait divulgué des informations confidentielles.

 

L’employeur ne peut régulièrement consulter les courriels identifiés comme ayant un caractère personnel ou syndical

Le courriel transmis par Mme B à trois de ses collègues et à son syndicat ne comportait pas de mention d’un objet à contenu personnel ou de nature syndicale.

Le rapport technique réalisé ne pouvait ainsi être regardé comme ayant été obtenu en méconnaissance de l’obligation de loyauté du département ou du droit de l’intéressée au respect de sa vie privée ou au secret de ses correspondances tel que protégé par l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Dans ces conditions, l’agent n’était pas fondée à demander que ce rapport soit écarté des débats.

 

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