Le délai de recours contentieux de deux mois pour contester une décision implicite court dès sa naissance à l’encontre d’un agent public, alors même que l’administration n’a pas accusé réception de sa demande.

 

Jurisprudence relative au délai de recours contentieux ouvert aux agents publics contre les décisions implicites de rejet

Un récent jugement du tribunal administratif de Toulouse (TA Toulouse, 16/11/2023, n°2105093) est venu rappeler que le délai de deux mois dont dispose un agent public pour former un recours contentieux contre une décision implicite de rejet, née du silence gardé par l’administration durant deux mois à compter de la réception de la demande qu’il a présentée, court dès sa naissance, alors même que l’administration n’a pas accusé réception de cette demande.

Dans cette affaire, Mme A, infirmière de bloc opératoire diplômée d’Etat exerçant ses fonctions au sein d’un centre hospitalier, a présenté, par lettre du 12 avril 2021, une demande tendant au versement de la nouvelle bonification indiciaire (NBI) de 13 points instaurée par les dispositions de l’article 1er du décret du 3 février 1992, dans la limite de la prescription quadriennale.

Le silence gardé par le centre hospitalier a fait naître une décision implicite de rejet à l’expiration d’un délai de deux mois, dont l’agent a demandé l’annulation.

Toutefois, le délai de recours contentieux de deux mois était expiré lorsque cet agent a saisi le tribunal administratif, le 30 août 2021.

 

Dispositions applicables :

Les dispositions du Code de justice administrative

  • Le délai de deux mois pour contester une décision implicite de rejet :

Aux termes des articles R. 421-1 du Code de justice administrative : « La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à compter de la notification de la décision attaquée. () « .

L’article R. 421-5 du même code dispose que : « Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu’à la condition d’avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision. ».

Aux termes de l’article R. 421-2 du même code : « Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, dans les cas où le silence gardé par l’autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet, l’intéressé dispose, pour former un recours, d’un délai de deux mois à compter de la date à laquelle est née une décision implicite de rejet. Toutefois, lorsqu’une décision explicite de rejet intervient avant l’expiration de cette période, elle fait à nouveau courir le délai de recours. () ».

Les dispositions du code des relations entre le public et l’administration :

  • Le silence gardé par l’administration pendant deux mois sur la demande présentée par un agent public vaut décision de rejet :

Aux termes de l’article L. 231-4 du code des relations entre le public et l’administration : « Par dérogation à l’article L. 231-1, le silence gardé par l’administration pendant deux mois vaut décision de rejet : () 5° Dans les relations entre l’administration et ses agents « .

  • Les dispositions relatives à la délivrance d’un accusé de réception ne sont pas applicables aux agents publics :

En vertu de l’article L. 112-2 de ce même code, ne sont applicables aux relations entre l’administration et ses agents ni les dispositions de l’article L. 112-3 de ce code aux termes desquelles :  » Toute demande adressée à l’administration fait l’objet d’un accusé de réception « , ni celles de son article L. 112-6 qui dispose que :  » les délais de recours ne sont pas opposables à l’auteur d’une demande lorsque l’accusé de réception ne lui a pas été transmis () « 

 

Les agents publics disposent d’un délai de deux mois pour constester

Les agents publics disposent, à compter de l’intervention d’une décision implicite de rejet, d’un délai de deux mois pour la contester, même en l’absence de délivrance d’un accusé de réception de la demande.

Il résulte de l’ensemble de ces dispositions qu’en cas de naissance d’une décision implicite de rejet du fait du silence gardé par l’administration pendant la période de deux mois suivant la réception d’une demande, le délai de deux mois pour se pourvoir contre une telle décision implicite court dès sa naissance à l’encontre d’un agent public, alors même que l’administration n’a pas accusé réception de la demande de cet agent, les dispositions de l’article L. 112-3 du code des relations entre le public et l’administration n’étant pas applicables aux agents publics. Ce n’est qu’au cas où, dans le délai de deux mois ainsi décompté, l’auteur de la demande adressée à l’administration reçoit notification d’une décision expresse de rejet qu’il dispose alors, à compter de cette notification, d’un nouveau délai pour se pourvoir (CE, 03/12/2018, n°417292 ; Réc. CAA Marseille, 22/11/2022, n°20MA03838 ; TA Rennes, 06/10/2023, n°2203916).

contester une decision de rejet

La règle jurisprudentielle relative au délai raisonnable n’est pas applicable aux agents publics en matière de contestation des décisions implicites

Il résulte de ces mêmes dispositions que les règles relatives au délai raisonnable au-delà duquel le destinataire d’une décision ne peut exercer de recours juridictionnel, qui ne peut en règle générale excéder un an sauf circonstances particulières, sont également applicables à la contestation d’une décision implicite de rejet née du silence gardé par l’administration sur une demande présentée devant elle, lorsqu’il est établi que le demandeur a eu connaissance de la décision et qu’il n’a pas été informé des voies et délais de recours dans les conditions prévues par les dispositions précitées du code des relations entre le public et l’administration.-

Cette règle ne saurait s’appliquer aux agents publics qui ne sont pas soumis aux dispositions de l’article L. 112-6 du code des relations entre le public et l’administration et qui se trouvent dans une situation statutaire différente s’agissant de leurs relations avec l’administration qui les emploie de celles des citoyens en litige avec cette administration.

Ces agents ne disposent en conséquence que d’un délai de deux mois à compter la naissance de la décision implicite pour exercer un recours contentieux en excès de pouvoir (CAA Douai, 26/09/2019, n°18DA02567 voir également en ce sens TA Dijon, 09/03/2023, n°2300589).

 

Les démarches permettant de conserver le délai de recours contentieux contre une décision implicite

 

  • L’exercice d’un recours gracieux contre une décision implicite :

Aux termes de l’article R. 411-2 du code des relations entre le public et l’administration :  » Toute décision administrative peut faire l’objet, dans le délai imparti pour l’introduction d’un recours contentieux, d’un recours gracieux ou hiérarchique qui interrompt le cours de ce délai. Lorsque dans le délai initial du recours contentieux ouvert à l’encontre de la décision, sont exercés contre cette décision un recours gracieux et un recours hiérarchique, le délai du recours contentieux, prorogé par l’exercice de ces recours administratifs, ne recommence à courir à l’égard de la décision initiale que lorsqu’ils ont été l’un et l’autre rejetés « .

L’exercice d’un recours administratif, gracieux ou hiérarchique, a pour effet de conserver le délai de recours contentieux qui recommence à courir à compter de la notification de son rejet explicite ou de l’intervention d’une décision implicite de rejet.

  • La demande de communication des motifs d’une décision implicite :

L’article L. 232-4 du même code dispose que :  » Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n’est pas illégale du seul fait qu’elle n’est pas assortie de cette motivation. / Toutefois, à la demande de l’intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. Dans ce cas, le délai du recours contentieux contre ladite décision est prorogé jusqu’à l’expiration de deux mois suivant le jour où les motifs lui auront été communiqués « .

Il résulte de ces dispositions que le silence gardé pendant plus d’un mois sur une demande de communication des motifs d’une décision implicite de rejet, intervenue dans un cas où une décision explicite aurait dû être motivée permet à l’intéressé de se pourvoir sans condition de délai contre la décision implicite initiale qui, en l’absence de communication de ses motifs, se trouve entachée d’illégalité.

 

En l’espèce, la tardiveté de la requête présentée au-delà du délai de recours contentieux de deux mois

Dans l’affaire commentée, une décision implicite de rejet était née le 14 juin 2021 sur la demande de l’agent.

Cette demande ayant trait au versement d’une indemnité à un agent public, les articles L. 112-3 et L. 112-6 du code des relations entre le public et l’administration ne lui étaient applicables.

Dès lors, en application des dispositions précitées de l’article R. 421-2 du Code de justice administrative, le délai de recours contentieux franc de deux mois ouvert contre cette décision implicite a expiré le lundi 16 août (premier jour ouvrable suivant le dimanche 15 août).

Par suite, la requête de Mme A, enregistrée au greffe du tribunal le 30 août 2021 était tardive et donc irrecevable.

 

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