Dans un jugement du 13 décembre 2023, le tribunal administratif de Melun (TA Melun, 13/12/2023, n°2106251) a fait application de la présomption légale d’imputabilité au service posée par l’article L. 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 à l’hypothèse d’un accident cardiaque, rompant ainsi avec la jurisprudence antérieure rendue en la matière.

 

Accident de service et crise cardiaque

Dans cette affaire, Mme B, attachée principale de l’administration de l’Etat, a été victime, le 28 novembre 2019, d’un infarctus du myocarde, date à partir de laquelle elle a été hospitalisée en urgence.

Le 5 décembre 2019, elle a formulé une déclaration d’accident de service, rattachant son infarctus à ses conditions de travail.

Le 14 janvier 2021, la commission de réforme a rendu un avis défavorable à l’imputabilité au service de l’accident survenu le 28 novembre 2019.

Par une décision du 1er mars 2021, dont l’intéressée a demandé l’annulation, l’administration a refusé de reconnaître l’imputabilité au service de l’accident.

 

La définition jurisprudentielle de l’accident de service

Un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice par un fonctionnaire de ses fonctions ou d’une activité qui en constitue le prolongement normal, présente, en l’absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet événement du service, le caractère d’un accident de service.

Il appartient dans tous les cas au juge administratif, saisi d’une décision de l’autorité administrative compétente refusant de reconnaître l’imputabilité au service d’un tel événement, de se prononcer au vu des circonstances de l’espèce.

Doit être regardé comme un accident un évènement précisément déterminé et daté, caractérisé par sa violence et sa soudaineté, à l’origine de lésions ou d’affections physiques ou psychologiques qui ne trouvent pas leur origine dans des phénomènes à action lente ou répétée auxquels on ne saurait assigner une origine et une date certaines.

 

La jurisprudence restrictive en matière d’accident cardiaque

L’exigence d’un lien direct entre cet accident et les conditions d’exécution du service :

La circonstance qu’un malaise cardiaque soit survenu sur le lieu de travail n’implique pas nécessairement qu’il présente un lien avec le service (TA Grenoble, 29/11/2022, n°2007510).

S’agissant des malaises, accidents cardiaques ou vasculaires cérébraux qui sont au nombre de ces circonstances particulières, il y a lieu, par exception, de rechercher s’il existe un lien direct entre cet accident et les conditions d’exécution du service (TA Dijon, 01/12/2022, n°2100358).

Il appartenait ainsi au fonctionnaire victime d’un accident cardiaque ou à ses ayants droit de faire la démonstration d’un lien direct entre l’exécution du service et l’accident, en particulier de démontrer l’exposition à un stress professionnel ou encore à un effort physique qui auraient pu favoriser la survenance d’un tel évènement (récemment, TA Rennes, 16/10/2023, n°2205281).

L’agent devait démontrer qu’il avait eu à supporter, le jour même ou les jours précédents son accident, une charge de travail excessive, un effort physique particulier ou un état de stress important résultant de circonstances particulières ; qu’il avait déployé dans l’exécution de son service un effort physique intense de nature à déclencher une crise cardiaque.

 

La présomption légale d’imputabilité au service

Aux termes du II de l’article 21 bis de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983, désormais codifié à l’article L. 822-18 du code général de la fonction publique : «  Est présumé imputable au service tout accident survenu à un fonctionnaire, quelle qu’en soit la cause, dans le temps et le lieu du service, dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice par le fonctionnaire de ses fonctions ou d’une activité qui en constitue le prolongement normal, en l’absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l’accident du service ».

 

L’application de cette présomption aux accidents cardiaques

Dans son jugement du 13 décembre 2023, le tribunal administratif de Melun, au visa de l’ancien article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, est revenu sur la jurisprudence précitée en admettant l’application de cette présomption aux accidents cardiaques, en l’occurrence à l’infarctus dont a été victime Mme B le 28 novembre 2019 sur le lieu, dans le temps du service et dans l’exercice de ses fonctions.

L’administration, pour renverser la présomption de lien avec le service, se fondait sur un avis médical du 16 juin 2020, dans lequel le médecin expert a indiqué après avoir constaté  » qu’il n’y a pas d’antécédent d’ordre familial et il n’y a pas d’autre facteurs de risques ()  »  » () qu’il semble exister une pathologie ancienne d’origine génétique antérieure à cet infarctus du myocarde qui reste exceptionnelle pour une personne de cet âge. Les troubles sont très probablement en rapport avec un état antérieur qui a évolué () « .

Toutefois, Mme B a produit une étude génétique, non contestée en défense, du 15 avril 2021 du laboratoire de génétique moléculaire de l’hôpital européen Georges Pompidou, qui indique que la requérante présente  » une absence de variation pouvant expliquer la pathologie, dans les limites de la sensibilité des techniques utilisées « .

Si l’administration faisait valoir au surplus que Mme B souffre d’un asthme sévère dont le traitement médicamenteux a des effets secondaires indésirables tels que des troubles cardiaques, aucune pièce du dossier, et notamment l’avis du médecin expert du 16 juin 2020, ne vient confirmer cette allégation.

Dans ces conditions l’accident survenu sur le lieu et dans le temps de service le 28 novembre 2019 dont a été victime Mme B, devait être considéré comme imputable au service en l’absence de circonstance particulière détachant cet événement du service.

Dès lors en refusant de reconnaître que Mme B avait été victime d’un accident imputable au service, l’administration a entaché la décision contestée d’une erreur d’appréciation.

 

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